Le mois de février a amené avec lui chez The Tattooed Lady les photographies de Nidhal Marzouk. Photographe professionnel dans le domaine de la musique et de l’événementiel, Nidhal Marzouk est connu pour ses photos lors de concerts de métal.
Nidhal a collaboré avec Dream Theater, immortalisé Within Temptation ou encore Slipknot et a participé à divers festivals, parmi lesquels le Hellfest. Qu’on se le dise, je ne suis pas très portée sur la photo de concert. Mais celles-ci ont quelque chose de particulier. Chacune a capturé un moment fort que l’image continue de transmettre. Qui plus est le travail sur le cadrage, la lumière ou la couleur en font des photos particulièrement esthétiques.
Je ne saurai donc que vous inciter à aller y jeter un coup d’œil par vous-même. Vous trouverez les informations sur le site et la page Facebook de The Tattooed Lady. En attendant que vous puissiez voir les photos et afin de mieux connaître le photographe, je vous propose de lire l’interview qu’il m’a accordée le soir du vernissage.
On est bien obligés de passer par la case présentation…
Je me prénomme Nidhal, j’ai 28 ans. Je pratique la photographie en professionnel depuis maintenant quatre ou cinq ans. Auparavant j’ai un peu goûté au monde de la photographie en temps qu’amateur. Quand je dis amateur ce n’est pas que ce n’est pas bien, que ce n’est pas beau ou quoi que ce soit. Simplement, je n’en vivais pas. C’est la seule différence pour moi entre un amateur et un professionnel. Le professionnel ne fait pas forcément du meilleur travail qu’un amateur sauf que c’est son moyen de vivre.
Je touche à la photo depuis que je suis tout petit, avec des appareils qui ne ressemblaient déjà à rien à l’époque (et qui ressemblent encore moins à quelque chose de nos jours !). C’était tout simplement pour garder des souvenirs du moment et essayer un maximum de garder une image qui correspondait à une émotion. Je fais de la musique depuis que j’ai quatre ou cinq ans. Voilà. Donc forcément, comme tout le monde sur cette planète, on essaye de trouver des compromis entre ses différentes passions et ce qu’on aime faire dans la vie.
Il y avait la photo d’un côté et la musique de l’autre. J’ai pas pu faire de la musique de haut niveau et me retrouver sur scène. Du coup, on va dire que la photo me permet d’être un petit peu plus proche de la scène que le public. D’un autre côté, je reste dans le milieu qui me plaît depuis que je suis tout petit.
Sur les murs on peut voir des photographies de concerts de métal. Est-ce que vous faites aussi d’autres genre de concerts ou d’autres évènements, type Salon de l’Agriculture etc…
Alors le Salon de l’Agriculture non parce que, honnêtement, ça ne me branche pas du tout. Après c’est le travail aussi. Si on m’envoie pour faire un reportage là-bas, je le ferai. Le mot d’ordre dans la photographie c’est la polyvalence. Un photographe se doit d’être polyvalent. La photographie ce n’est pas seulement le moment et l’anticipation, c’est aussi modeler sa lumière et, quelque part, faire avec les moyens du bord et essayer de faire que quelque chose de « banal » soit peut-être retranscrit d’une autre manière que celle qui nous est présentée.
Dès lors, je fais de tout mais je n’expose que ce qui me plaît. Alors quand on dit « photographie de métal » … En effet, c’est un milieu que je côtoie depuis pas mal d’années maintenant et ayant été bercé par le secteur musical… C’est là où je me suis lancé sans forcément y réfléchir. C’était, comme je le disais, quelque chose de naturel qui s’est fait progressivement et qui n’était pas prémédité.
Comment êtes-vous venu à la photographie et plus particulièrement à la photographie événementielle ?
C’est une rencontre que j’ai faite en 2007, qui était le fruit du hasard, avec le claviériste de Dream Theater. Il passait sous la Tour Eiffel à ce moment-là, j’étais en train de me balader… C’est un groupe que j’écoute depuis que j’ai 9 ans, c’était le premier concert auquel j’ai assisté dans ma vie, en Allemagne… Au final on a gardé contact. Et deux ans plus tard quand ils sont revenus en tournée j’ai demandé s’il était possible de faire des photos pendant le concert qui avait lieu le lendemain, ce par quoi il m’a répondu qu’il était d’accord.
Je me suis retrouvé avec le premier pass photo de ma vie de cette envergure ! C’est-à-dire que des photos de concert on peut en faire, il y a des salles qui tolèrent les appareils photos. C’est surtout les petites salles, je pense au Batofar ou encore à la Maroquinerie lors de certains concerts, la Miroiterie etc… Il y a beaucoup de petites scènes où on peut s’exercer et ramener des résultats qui ne sont pas forcément impressionnants de par la beauté du lieu en lui-même mais plutôt grâce à son cadre intimiste.
Moi-même j’avais commencé par là dans l’un de mes premiers médias, dans des petites salles qui me permettaient de faire pénétrer du matériel photographique sans avoir à justifier d’un historique avec des groupes ou d’un statut quelconque. Pour en revenir à la première histoire ce claviériste m’a donc donné ce pass photo mais je n’avais pas de reflex numérique à l’époque. Je suis allé l’acheter le jour du concert, je me rappelle. J’ai pris le premier reflex qui me tombait sous la main et qui était dans un budget pas excessivement élevé.
Non, c’était un des premiers prix quand même. J’ai couru à la salle avec la boîte sous le bras. Ça s’est vraiment fait de manière imprévue et ça perdure depuis quelques années maintenant. On y reviendra peut-être plus tard mais il y a pas mal de projets avec ce groupe.
Alors, puisqu’on parle de…
Je voudrais juste préciser quelque chose. Le fait est que, ce qui m’a énormément aidé aussi c’est les médias pour lesquels j’ai travaillé, dans un second temps. C’est-à-dire qu’une fois que j’avais fait mes preuves en matière de photo j’ai pu travailler pour différents médias qui me permettaient d’avoir un accès à certaines salles, facilité par leur réputation.
A l’heure actuelle je travaille avec deux médias : La Grosse Radio, qui est un média internet et une radio indépendante, avec laquelle j’essaye d’avoir le partenariat le plus poussé possible depuis quelques années maintenant et le magazine Rock Hard, premier mensuel métal de France, auquel je contribue. Quand on me demande de faire un concert je me déplace et je fais ce que je peux ! C’est vrai que ça permet quand même d’avoir un support stable sur lequel on peut compter.

Aperçu de l’exposition de Nidhal Marzouk chez The Tattoed Lady.
Justement puisque vous parlez de médias… Le chemin pour être reconnu pour son travail ne doit pas être évident.
Non, du tout. Et c’est décourageant même. C’est plus décourageant qu’autre chose. Il faut se le dire quand même, être photographe de concert… Je ne parle pas des gens qui vont avoir du matériel à foison ou qui vont pouvoir en emprunter, avoir des facilités de par leur travail ou autre mais de quelqu’un qui part de zéro et qui va devoir investir dans des milliers d’euros de matériel tout en sachant que ce travail n’est pas excessivement lucratif non plus. Partir de zéro c’est aussi faire énormément de sacrifices.
Il ne faut pas s’attendre du tout à une reconnaissance quelconque, surtout dans ce milieu. Après, la crédibilité que l’on peut gagner passe par une certaine déontologie : ne pas faire de gratuité, ne pas tomber dans la facilité de l’autopromotion gratuite. C’est malheureusement une pratique qui est très répandue en France et dans le monde dans le milieu de la photo de concert.
Mais il faut savoir que ça ne mène à rien parce que l’artiste qui aura eu gratuité sur les photos ne va pas promouvoir plus que ça le photographe ou va le promouvoir de toutes façons en tant que photographe gratuit, ce qui n’est pas le but non plus. Il faut quand même se dire qu’on a du matériel à amortir, des factures à payer ! Voilà, c’est aussi une question de crédibilité envers soi-même : le nerf de la guerre ça reste aussi l’argent. Il y a la passion, c’est ce qui nous motive, mais c’est vrai que, malheureusement, si demain mon appareil tombait en panne et que j’avais pas l’argent pour en racheter un…
Il faut trouver le juste milieu et à mon avis ça passe par la conscience qu’il y a certaines règles dans ce milieu à appliquer. Ça c’est un côté des choses. Après il y a le relationnel, tout est basé là-dessus aussi : pouvoir accéder à des contacts, à une crédibilité envers les artistes… Il y a d’un côté le fait d’être professionnel, de gagner son argent là-dessus, mais il faut aussi que le courant passe avec l’artiste.
Il faut avoir une certaine connivence, c’est ce qui doit se développer au fur à mesure des années et des collaborations. Après, le premier contact ne se fait pas forcément de cette manière-là mais va se faire en fonction du travail que l’on a choisi de montrer. Là c’est une autre histoire, on rentre dans le qualitatif.
On va passer à quelque chose de plus léger ! Vous avez fait beaucoup de concerts et de festivals. Quel serait le meilleur souvenir, celui qui fait relativiser les temps de galère ?
Ça date d’hier soir à Paris, au Zénith, au concert de Dream Theater qui m’avait donné la première possibilité de monter dans ce milieu-là. Je fais le choix de parler de celui d’hier soir mais il y a eu énormément d’autres moments qui m’ont vraiment marqué. Mais c’est vrai que se retrouver sur la scène du Zénith, « dans sa ville », avec le groupe qu’on écoute depuis 19 ans maintenant et des musiciens qu’on a toujours admiré et se retrouver à travailler officiellement avec ces gens-là ça fait vraiment plaisir. On se dit que même si on en a bavé pendant des années et que ce n’est pas facile tous les jours, eh bien ça vaut quand même le coup.
Les autres souvenirs… Je peux en donner quelques-uns. Il y a eu la tournée que j‘ai effectuée avec eux dans sa globalité.. C’est encore plus gros ; plusieurs dates qui se suivent, des rapports différents. On apprend à se connaître aussi, on discute, il y a une connivence qui s’installe et on apprend à voir ce que les gens aiment et ce qu’ils n’aiment pas dans les photos. On adapte un peu sa prise de vue aux exigences des gens tout en gardant sa touche à soi, bien-sûr. Il y a aussi Roger Waters, le bassiste des Pink Floyd qui est l’un des groupes qui a énormément compté pour moi, à Bercy. Ça reste un souvenir mémorable.
Des rencontres aussi, Tony Iommi de Black Sabbath au festival High Voltage en 2011 ou 2012. Gary Moore, de son vivant… Beaucoup de très bons souvenirs. Après, ce sont aussi des amitiés un peu improbables qui peuvent en découler. C’est important de préciser que ce ne sont pas des amitiés qui se forgent dans l’intérêt de l’un ou de l’autre ! Certes l’artiste à tout intérêt à avoir un photographe à disposition, mais je pense qu’on est tellement nombreux à travers le monde et, quelque part, c’est pas de ça dont ils ont besoin. Oui, ils veulent avoir un photographe mais ils veulent aussi s’entendre avec lui sur un plan humain, avant tout je pense.
On en arrive à aujourd’hui, vernissage de votre exposition. Qu’est-ce qui vous a décidé à passer au stade d’exposition physique ?
Tout simplement… Quand on regarde un écran… Je pense que n’importe quelle personne qui voit la même photo sur un écran et sur papier ne va pas du tout avoir le même ressenti. Je ne vais pas rentrer dans le côté technique et le calibrage des écrans ou le fait que la photo puisse être perçue différemment.
En l’occurrence j’ai choisi de faire une expo dans un format qui est assez grand, c’est du 60/90. Ça permet de ne pas avoir la même impression que sur un écran simple, au niveau de la taille déjà. C’est vrai que c’est beaucoup plus grand, on tourne un petit la tête en regardant la photo, ce qui n’est pas le cas sur un écran où on bouge les yeux grosso modo. Il y a une profondeur en plus, une densité de couleur qu’on ne peut pas retrouver sur l’écran.
Tout simplement aussi parce c’est un support, le papier, qui petit à petit avec le numérique se meurt. Je pense que c’est intéressant quand même de garder une certaine base, de conserver ces bases qui ont fait de la photo ce qu’elle est devenue maintenant. Bon, après, toute mon exposition est basée sur des tirages numériques mais je ne fais pas que ça. Je fais de l’argentique depuis plus longtemps que le numérique. J‘ai commencé par la photo argentique et là je m’y remets, même sur du concert, petit à petit.
Arrive maintenant la « minute promotion » : est-ce qu’on peut vous retrouver quelque part cette année, des projets à venir.. ?
Pas d’autres expos pour le moment, c’est un peu la même qui tourne. Je voudrais bien passer à autre chose. Après il faut les financer aussi… On verra en temps voulu. On retrouve les photos sur mon site qui va changer d’adresse donc… La minute promotion ne va pas servir à grand-chose ! On va dire simplement que je suis référencé sur Google avec mon nom. Vous tapez « Nidhal Marzouk » ce sera déjà très bien. Je pense qu’il n’y en a pas des milliers qui s’appellent comme ça.
Beaucoup d’autres choses vont être mises sur le prochain site. Il va y avoir également des photos posées d’artistes divers… Je compte bien utiliser le plein écran, et ça me fera bien rigoler car on a de plus en plus tendance à vouloir protéger un maximum ses photos en collant des watermark partout… Et honnêtement, j’en ai marre de me prendre la tête ; « je m’en fous », servez-vous donc ! Si c’est pris ce sera payé quand même (rires).
Comme je disais je ne travaillerai pas gratuitement comme le font certains, je garderai quand même mes tarifs. Quoi qu’il arrive, advienne ce qu’il adviendra ! Ça ne sert à rien de « surprotéger » les photos au détriment de la qualité ; en agence je comprends mais ce n’est pas mon cas.
Je pense que ce que les gens veulent, de par les nouvelles interfaces, c’est un rendu qui en jette et ce n’est pas en mettant de petites miniatures qu’on va y arriver. Les miniatures c’est bien pour envoyer en agence, faire une sélection mais pour le grand public qui veut voir quelque chose c’est un peu dommage de brider les choses. Bon pour résumer.. Je sais pas si on peut appeler cela la minute promotion mais c’est en tout cas ce qui va bientôt se passer de mon côté !
C’est parfait ! En tout cas merci beaucoup de m’avoir accordé un moment.
Avec plaisir. Merci !
Remerciements :
Nidhal pour m’avoir accordé un moment (et pour son œil affûté) et à Arnaud pour son boulot sur chaque expo (qui les immortalise même, voir la photo plus haut).
Nidhal Marzouk:
The Tattooed Lady :