Développé par le studio espagnol Nomada et édité par Devolver Digital, Gris raconte une histoire pleine de poésie sur la reconstruction. Le jeu met en scène une jeune fille du même nom, déboussolée par un traumatisme. Soudain muette, il lui faudra faire face aux ombres et sortir des méandres dans lesquels se trouve son esprit. Instinctivement, Gris touche au cœur en s’appuyant sur nos propres émotions.
Des cheveux bleu turquoise, une longue robe noire et une histoire torturée. Gris pourrait être l’héroïne d’un film d’animation à succès. Son périple démarre dans un éboulement impressionnant, celui de son palais mentale. Si la jeune fille se redresse péniblement, le choc l’empêche de courir et la fait trébucher. Progressivement, sa mobilité reviendra. De niveaux en niveaux elle gagnera différentes aptitudes, s’exprimant à travers sa robe, qui lui donneront de l’aplomb. Tantôt lourde comme un roc ou légère comme une plume, elle reprends force et confiance entre les ombres et les tempêtes.
Mais Gris partage l’affiche avec une menace protéiforme : la souffrance qui s’installe après le choc. Celle qui nous suit partout, malgré tout et qui revient parfois sans prévenir. En dépit d’une thématique a priori lourde, le jeu parvient à installer une bulle onirique et poétique autour du joueur , qui lira le scénario à la lumière de son propre vécu. Car le jeu n’impose aucune narration ni dialogues. Le personnage démarre avec un filet de voix inexploitable et l’interface est minimaliste. Discrètement, une commande peut apparaître dans un coin de l’écran mais les nœuds de l’histoire sont laissés à l’interprétation de chacun. Et c’est cette sobriété qui rends l’aventure à la fois touchante et universelle.
Sans un mot
Une place conséquente est faite au son et à la musique, qui assurent la narration du voyage de Gris. La bande originale, toute en finesse, a été conçue par le groupe Berlinist. Évolutive, elle accompagne l’héroïne et traduit son cheminement personnel, lui donnant une voix touchante. Tantôt enjouée, dramatique ou mélancolique, elle offre aux différents environnements un nouveau relief avec beaucoup de justesse.Le son apporte quant à lui un autre degré d’immersion. On perçoit le froid, le vide ou l’écho comme elle le ressentirait. Au hasard des différents mondes, le son s’adapte et révèle toutes ses textures pour mieux vous mettre les pieds sur la glace ou dans le sable. Inutile de dire que jouer au casque permet d’apprécier bien mieux cette dimension, mais je reconnais là une sorte de lubie !
Dans un univers digne d’un film d’animation, vous arpenterez plusieurs niveaux. Pensés comme autant d’écosystèmes indépendants et soigneusement illustrés, vous devrez y retrouver des étoiles et des souvenirs pour avancer dans votre quête. Au hasard de vos balades, vous rencontrerez également une faune originale, constituée de petits personnages de pierre et de buissons complices. Si Gris passe et repasse parfois par les mêmes endroits, sa perception change. Des passages s’ouvrent, une nature s’implante et vous propose de nouvelles zones à arpenter. De la roche délabrée à la forêt luxuriante, le monde de la jeune fille reprends doucement vie avec elle.
Casse-têtes et immortalité
Des plateformes, puzzles et autres énigmes parfois dangereuses pour votre cuir chevelu (voire votre clavier …) parsèmeront votre chemin. Et c’est là que, en ce qui me concerne, ça aurait pu coincer. Parce que, soyons honnête, je ne suis pas des plus patientes. J’ai maudit la truite d’Unravel 2, hurlé après Hue et lâché sans ménagement Supermeatboy à force de morts ingrates. Dans le cas de Gris, cette frustration est relativisée par l’immortalité du personnage (oui, même après dix-huit chutes depuis la même plate-forme) et par l’importance donnée à l’analyse. Dans de nombreux cas, c’est surtout de votre patience, de votre sens de l’observation et d’une bonne dose astuce dont vous aurez besoin pour avancer.
Comprenez que même avec mes deux mains gauches et un timing pas toujours terrible, j’ai réussi à terminer ce jeu sans maudire la moitié de l’humanité. A l’exception peut-être d’un ou deux passages qui m’ont fait manger mon clavier… La patience, croyez-moi, c’est pas inné ! Évidemment, les niveaux se corsent au fur et à mesure mais la progression reste bien dosée. Il est d’ailleurs intéressant de voir l’adéquation entre l’évolution de la difficulté et l’avancée de Gris. Tout se gagne et demande du temps. Aller de l’avant n’est pas chose aisée et parfois les ombres vous rattrapent, sans prévenir.
Gris est disponible sur Nintendo Switch et sur PC via Steam.