Pas que je sois catastrophiste, mais j’ai un certain goût pour la dystopie. Je ne sais pas qui de George Orwell ou de Suzanne Collins est à remercier, mais cette curiosité a fini par atteindre les jeux-vidéo. Ma dernière trouvaille en date, Mosaic – sortie sur PS4 le 11 février – avait d’ailleurs le potentiel de 1984. Jusqu’à ce que l’environnement se bloque.
Dans le monde de John Do – le bougre n’a pas de nom alors donnons-lui celui-ci – tout le monde se ressemble et n’importe qui est interchangeable. Personne ne parle ni n’interagit avec son voisin. Tous ont d’ailleurs un seul but en se levant : aller travailler. Nourrir la machine. Histoire de leur donner l’impression d’être à peu près libre, leurs téléphones sont dotés de quelques applications : un Tinder à mourir d’ennui et un jeu en forme de cagnotte de Blips. En plus de ça, un accès à des informations franchement affreuses et de quoi gérer leurs comptes en banque. D’ailleurs, celui de John ne tient pas la forme.
Revenons à lui, justement. Dans un univers aux tons bleu-gris, John suit la foule et la routine la mort dans l’âme. Il a l’air en mauvaise santé et chaque matin lui demande une motivation hors-norme pour se lever et se préparer. La journée, il est entouré par des appels à la productivité et des publicités d’un cynisme rare. La nuit, notre homme évolue dans des rêves étranges, où il est immergé et seul.
Monotonie
Seul, il l’est aussi dans la vie. Dans l’ascenseur, les gens lui tournent le dos et ses amis seraient des chatbots que ça ne me surprendrait pas. John vit dans un monde où les humains ont été réduits au strict minimum pour servir la cause de l’entreprise. Pas d’émotion, de distinctions ni de rébellion. Juste un travail abrutissant pour créer de la richesse. Jusqu’au jour ou notre pauvre homme, qui reprends vie lors de courts instants, fait la rencontre de son Gemini Cricket, qui a la mauvaise habitude d’appuyer où ça fait mal.

L’univers de Mosaic, crée par les studios Rawfury et Krillbite, se montre d’entrée prometteur. Les couleurs transmettent la dépression dans laquelle est coincée notre héros. Son environnement, impersonnel au possible, donne un aperçu de la monotonie ambiante. Mises à part la vaisselle et les factures impayées qui s’accumulent, rien ne change – même si je soupçonne aussi la plante de se dessécher tranquillement. La vie de John est une très longue mauvaise journée. Qui se répète sans fin. Fatalement, il est lent et a le pas et lourd, contrairement à ses coreligionnaires alertes car complètement automatisés.
Ce jeu étant du genre atmosphérique, personne ne viendra déranger votre aventure par des pop-ups et autres conseils. La seule annonce à l’écran correspond aux messages reçus. Un point qui aurait pu ne pas me déranger si je n’avais pas rencontré autant de blocages. L’idée que le personnage ait dans la vie un chemin tout tracé est bien assimilée. C’est sa transposition dans ses mouvements qui m’a rendu folle.
Le mur de verre
Pour des raisons revendiquées par ses créateurs, John n’est pas libre de ses mouvements. Si l’argument s’entend, il est extrêmement frustrant. Pour peu que le héros soit dirigé sur le mauvais escalator, il se fige. Il est parfois bloqué par des murs invisibles que j’ai copieusement insulté. Et la plupart de ces obstacles ne sont pas nécessaires à mes yeux. Ou simplement pas suffisamment intégrés à l’environnement et au scénario.

Moralité, j’ai une relation amour-haine avec ce jeu. En le reprenant le dernier jour, j’ai quand même vu disparaître, grâce à mise à jour moins douloureuse que la précédente, un certain nombre des soucis rencontrés . Le tressautement aléatoire du personnages était toujours là, mais le téléphone du héros s’était remis à fonctionner normalement. La marche de l’Enfer a fini par accepter mon passage et les séquences ont repris leur déroulement a priori normal.
Toutes questions techniques mises à part, Mosaic est une drôle d’expérience. D’un point de vue personnel, l’environnement du héros m’a rappelé le goût des mauvais jours. De ceux où le temps s’écoule on ne sait comment et où la perspective du lendemain ou même du week-end ne vous apporte rien de neuf. Leur conception du téléphone a également quelque chose de piquant. Le jeu Blip Blop, disponible sur Android, pourrait correspondre à pas mal de nos occupations suceuses de temps sur nos téléphones. La mienne étant le scroll sur Instagram – autant avouer. Sans parler d’une remise en question, Mosaic pousse à s’interroger sur certaines de nos habitudes. Une fois passée la frustration, et la dernière mise à jour, il reste un jeu ayant des choses à offrir, que vous vous intéressiez aux questions de société ou d’individualité.
Mosaic est disponible sur Apple Arcade, Nintendo Switch, Steam, PS4 et Xbox One.
Aleksandra Duncan
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