A gauche "Patienter", extrait de la série 'LSM'. A droite "iSandwich", extrait de la série "iEat". (Venissia Kay)

Appétit numérique

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Photographie

L’artiste conceptuelle Vénissia Kay, un peu illusionniste, récupère des déchets électroniques pour les transformer en repas “instagrammable”. Une sensibilisation aux questions écologiques qui semble porter ses fruits. 


Lorsqu’on lui demande quelle machine l’a  marqué le plus, elle évoque les Tamagotchi. “C’est petit, c’est personnel, explique-t-elle. Ca tient dans la poche et on y pense tout le temps. C’est un peu comme un smartphone aujourd’hui.” Vénissia Kay, 23 ans, s’intéresse à l’impact des technologies. D’un point de vue sociétal mais aussi environnemental. Sur le sujet, elle réalise notamment les séries “Digital”, “iEat” et “LSM : Langues des Signes Mobiles”. Les deux dernières ont été exposé dans un magasin Orange (si si) au côté des travaux d’Encoreunestp

Son aventure technologique démarre en 2015 avec “Digital’. La série associe à des images macro d’empreintes digitales celles de circuits électroniques, les lignes de l’une terminant dans l’autre. Interviendront ensuite les projets “iEat” et “LSM” (langue des signes mobiles). Notez que la plupart de ses projets demande un petit matériel, récupéré tantôt chez ses proches, tantôt dans une boutique d’électronique. Pour réaliser les photos destinées à l’exposition chez Orange, elle s’est par exemple approvisionnée dans les chutes d’un magasin électronique. “J’ai peut-être 300 ou 400 téléphones morts dans ma matériauthèque,” explique-t-elle. Et ces appareils continuent leur vie en image, parfois grimés en toast suédois pour finir en sculpture. 

Recyclage artistique

Vénissia distingue trois espaces de travail : le monde extérieur pour l’inspiration, son lit pour la réflexion et un atelier pour la réalisation. C’est dans cette dernière pièce que se cache son stock d’appareil oubliés ou grillés. Mais avant d’arriver à la réalisation, ses idées ont déjà transité de son téléphone à un carnet de bord, où se côtoient mots et croquis. 

"iSandwich", extrait de la série "iEat". (Venissia Kay)
« iSandwich », extrait de la série « iEat ». (Vénissia Kay)

La série “iEat” a demandé un certain travail d’imagination et de représentation. “Le plus important, c’est de donner l’eau à la bouche, de donner l’illusion” explique Vénissia. Ne pas trop cacher les objets, au risque qu’ils se perdent dans ses scènes de repas. “La lumière a été un critère important,” ajoute l’artiste. Échos aux publications #foodporn sur les réseaux sociaux, ses images mettent en scène des repas colorés et appétissant. Parfois, ce sont les déchets électroniques qui lui évoquent un plat, parfois c’est une recette qui lui rappelle un de ces objets. 


Lancée en 2017, la série “iEat” part d’un premier constat : le mot ‘consommation’ rappelle à la fois l’achat et la nourriture. “C’est important de prendre conscience de ce que l’on mange et de ce que l’on achète,” considère Vénissia. Elle évoque également la place qu’a gagné le téléphone sur nos tables. Comme un “quatrième couvert” devenu essentiel au repas.  Avec cette série, Vénissia Kay propose une réflexion bienveillante sur la consommation et sur nos habitudes.

“C’est par le jeu qu’on apprends le mieux”

Imaginez un magasin de téléphonie  installé sur trois niveaux. Soit le dernier endroit où j’aurais imaginé voir ces images. A ce scepticisme, Vénissia répondra que le lieu  a permis à ses œuvres de faire sens. De gagner en impact. Car les images de “iEat” étaient accrochés au sous-sol, dans les quartiers du SAV où trônent des bornes de recyclages. Démarrant par trois immenses panneaux lumineux, l’installation emmenait les visiteurs de photos aux cachettes relativement évidentes à des mises en scène de plus en plus convaincantes. “Les couleurs et l’illusion amènent les gens à entrer dans les images et , avec le sourire, à passer d’un niveau de lecture à l’autre.”

Son but : faire réfléchir sans culpabiliser. “On peut apprécier l’œuvre sans se poser de questions,” explique Vénissia. Le soir du vernissage, des visiteurs s’étonnent d’avoir l’eau à la bouche grâce à un déchet. Des réflexions s’enclenchent et d’autres commencent déjà à remplir les enveloppes destinées aux prochaines créations de l’artiste. Des visiteurs soulignent que l’illusion est tellement belle qu’ils ne trouvent plus les objets.  “On m’a même parlé de boulimie des nouvelles technologies,” se rappelle-t-elle. Il paraît que les messages passent mieux lorsqu’ils sont transmis avec humour. Ou lorsqu’il est question de nourriture, s’amuse-t-elle.  

Aleks Duncan

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