De tous les exercices littéraires, l’écriture d’un roman issu d’un fait divers me semble des plus délicats. Comment ne pas tomber dans le pathos ? Ne pas se rouler dans le misérabilisme de bas étage ? Comment retranscrire avec justesse cette idée de la vie ordinaire qui bascule, d’un seul coup, dans le drame ? Alexandre Seurat a osé s’y attaquer avec un premier roman audacieux sur le thème difficile de la maltraitance infantile.
La petite Diana, 8 ans, a disparu sur le parking d’un McDonald’s, alors que ses parents et son frère allaient commander à manger. C’est ce que disent les avis de recherche placardés un peu partout. Pourtant, ceux qui ont connus l’enfant semblent déjà savoir qu’il est trop tard. Alors, à tour de rôle, de l’institutrice à la grande-mère en passant par les assistantes sociales, chacun va raconter son expérience avec Diana. Cette drôle de petite fille, un peu en retard, toujours enthousiaste et qui justifiait ses nombreuses plaies, bosses et marques en tout genre avec cette simple phrase : ”Je suis maladroite”. Grâce à ces voix, le lecteur reconstitue peu à peu le tableau d’un drame familial terrible et des failles d’une institution.
Ce livre est à mon avis une lecture difficile que je déconseille aux personnes les plus sensibles. Il aborde frontalement le thème de la maltraitance d’un enfant. Et il est douloureux d’être témoin du calvaire de cette petite fille, de se sentir complètement impuissant à l’aider. Surtout quand on se souvient que l’ouvrage a été inspiré par une histoire vraie.
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En 2018, Le roman d’Alexandre Seurat est adapté en téléfilm par Eléonore Faucher. Il a ensuite été diffusé sur France 3 en novembre 2019.
Mais ce livre n’en est pas moins intéressant . Il souligne la manière dont plusieurs personnes peuvent se délester d’un problème en se disant, qu’au fond, “Quelqu’un va bien finir par faire quelque chose”. Alexandre Seurat réussi l’exploit de n’accabler ici personne en particulier, hormis les bourreaux de l’enfant.
Il ne pointe pas du doigt un personnage, ne formule aucune accusation. Son récit met naturellement en avant les failles d’un système dont les acteurs ne communiquent pas entre eux et qui permettent aux bourreaux de passer entre les mailles du filet.
Grâce à son style concis, évitant les fioritures inutiles, l’auteur nous met directement face au drame. Par ailleurs, à aucun moment je n’ai eu l’impression de lire la prose de quelqu’un souhaitant s’enrichir sur un fait divers sordide. Il n’était pas question dans ce livre de se vautrer dans le misérabilisme ou de jouer les tire-larmes. J’ai beaucoup apprécié cette sobriété qui met d’autant plus en valeur le destin tragique de la petite fille.
Il ne m’a fallu que peu de temps pour lire cet ouvrage peu épais et qui vous accroche avec force pour mieux vous laisser KO, assommé par cette fin terrible. J’ai été profondément marquée par cette lecture que je ne peux que recommander, sauf dans un moment de fragilité émotionnelle.
Bonne lecture,
Miss Jack