Vous connaissez peut-être ce sentiment. En démarrant un livre, vous êtes intrigué. Et d’un coup, vous tombez dedans façon Alice au Pays des Merveilles. C’est un peu ce qui s’est passé à la lecture du dernier roman d’Erin Morgenstern, La Mer sans étoiles. Et je sens que j’ai encore un pied dedans.
Voilà un livre qui va me rendre le contournement du spoil difficile. Commençons par Zachary. Étudiant en jeux-vidéo, Zachary Ezra Rawlins est un sacré bibliovore. Derrière ce rendement de lecture spectaculaire, une préférence certaine pour les échappées dans des histoires plutôt que la vie dans sa réalité. D’ailleurs, côté cœur, son dernier copain lui a un peu fait passer le goût des contes de fées.
A l’occasion d’une virée à la bibliothèque universitaire – qu’il a déjà lu au deux tiers – Zachary tombe sur un livre qui l’intrigue. D’abord, il n’est pas référencé. Ensuite, ses informations de publication sont plutôt maigres et il est du genre ancien. Il retrouve même quelques signes cryptiques sur la couverture. En se lançant dans la lecture du livre, titré “Doux Chagrins”, Zachary découvre des gardiens d’histoires, un domaine souterrain et… Un épisode de sa propre vie, il y a longtemps. Pourtant, ce livre semble bien plus vieux que lui. A la fois confus et intrigué, Zachary décide de se lancer dans une enquête pour comprendre ce qui se trame dans et derrière ce livre. Résultat, il va mettre le doigt dans un engrenage infini de récits, de conflits et se retrouver héros d’une histoire dont il ignorait tout quelques jours plus tôt.
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Erin Morgenstern est une auteure américaine. Elle a publié un précédent livre, Le Cirque des rêves, en 2011. Celui-ci a d’ailleurs été chroniqué par Miss Jack au printemps.
Dans La Mer sans étoiles, Erin Morgenstern relève un défi de taille en jouant sur différentes narrations et, à l’occasion, sur différentes temporalités. Plus qu’une auteure, c’est une tisseuse de mondes, qu’elle réussit à relier sans perdre son lecteur ni utiliser de chausse-pieds. Toutes les informations, toutes les histoires et tous leurs détails vous seront utiles. A un moment ou à un autre. Et je passe la satisfaction des moments de « Eurêka » !
A côté de l’histoire de Zachary, elle construit également l’univers de sa lecture. Ponctuellement, elle le quitte pour suivre les personnages clés autour de lui. Mais tout s’imbrique parfaitement, sans pour autant qu’on le voit arriver. Pour que les strates de son histoire se rejoignent, l’auteure choisit finement les mots et les détails qu’elle utilise. Rien n’est laissé au hasard. Le roman est construit avec souplesse et s’amuse à vous surprendre régulièrement .
Évasion
Avec ce roman, Erin Morgenstern crée un monde à part, un univers qui se base sur l’amour des histoires et de leurs conteurs et conteuses. Elle vous emmène dans un souterrain immense, peuplé de chats, d’histoires, parfois sur le papier, parfois libres, et de portes magiques. Le tout est animé par des personnages souvent imprévisibles et attachants – Kat, une amie de Zachary, est un bel exemple. Et puis, c’est encore assez rare pour être noté, le héros de l’aventure de Morgenstern est noir.
J’ai mis un temps impossible à lire ce roman, que je réservais à une fenêtre de calme plat, le matin. Et dans cette tranquillité, ce monde a pris vie dans mon salon et m’a embarqué. L’auteure offre ici un monde vers lequel s’évader. Et comme à la suite d’une séance de plongée, la remontée dans le monde réel a été étrange, avec quelques copeaux de Mer sans étoiles dans les cheveux.
@aleksduncan
La Mer sans étoiles (The Starless Sea)
Traduit de l’anglais par Julie Sibony
Paru le 14/10
Editions Sonatine