Derniers jours d'un monde oublié

Lecture : « Derniers jours d’un monde oublié », de Chris Vuklisevic 

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Lectures

Pour fêter ses 20 ans, la maison d’édition Folio a lancé en 2020 un grand concours d’écriture, jolie manière de célébrer un anniversaire que de faire émerger un nouveau talent. C’est la plume de Chris Vuklisevic qui s’est vue couronnée, ce qui donna lieu à la parution de son premier roman : « Derniers jours d’un monde oublié ». J’avais déjà eu la joie de découvrir cette autrice avec l’excellent « Du thé pour les fantômes » que je vous recommande avec chaleur et enthousiasme (vraiment, lisez-le, c’est trop chouette). J’étais donc assez curieuse de découvrir son premier écrit publié.


Ici, le récit nous emporte sur l’île de Shetel, isolée depuis des temps si lointains que ses habitants pensent être seuls au monde. Jusqu’au jour où un navire se présente à l’horizon. Est-ce une menace ou une opportunité ? Plusieurs personnages, habitants de l’île ou passagers du bateau pirate vont devoir faire face à ce changement inattendu et prendre des décisions, pour le meilleur ou pour le pire. 

Si « Du thé pour les fantômes » nous plongeait dans une bulle de douceur et de poésie, on peut dire qu’ici l’autrice ne prends pas de gants. Nous sommes dans un monde brutal où seuls les plus forts survivent. Les violences sont physiques, mais aussi sexuelles et systémiques. J’ai été à plusieurs reprises assez secouée par le récit. Pourtant, aucun de ces moments brutaux ne m’a paru « gratuit ». Ils s’inscrivent parfaitement dans le cadre impitoyable de cette ville ou trois peuples se côtoient avec plus ou moins de difficulté et qui s’apprête à subir de profonds changements avec l’arrivée d’étrangers, les premiers depuis des temps immémoriaux. 

Un roman à trois têtes

Cette violence, elle est profondément ancrée dans chacun des personnages, notamment les trois dont on suit les pas au cours de cette intrigue. Il y a La main de Shetel, sorcière capable de prendre la vie d’un souffle et qui veille sans pitié à l’équilibre démographique de l’île ; Arthur Pozar, commerçant prospère et influent qui voit l’arrivée d’inconnus comme une occasion en or, et enfin Erika, membre de l’équipage du bateau et fille adoptive de la capitaine, luttant pour survivre au sein d’un équipage de brutes.

J’ai trouvé ces personnages remarquablement bien construits, s’ils sont tous parfois capables de faire le bien, ils sont également déterminés à tout faire pour atteindre leurs buts respectifs quitte à écraser les autres sur leur passage. Sur cet aspect, Arthur Pozar est particulièrement réussi : opportuniste, égoïste, garant d’un système injuste et brutal, il réussit pourtant parfois à être touchant.  A l’inverse, Erika, jeune orpheline endurcie à force de se battre pour survivre sur un navire pirate dirigé par une femme sanguinaire va parfois nous surprendre par sa cruauté et sa brutalité. 

Ces personnages étonnants évoluent dans un univers très bien pensé, au fil d’une intrigue prenante et passionnante. Petit à petit, on voit apparaître dans l’ordre qui régit cette île des failles qui vont devenir crevasses et menacer tous les personnages sans exception. Pour survivre, les personnages que nous suivons se montreront parfois cruels et brutaux, mais dans cet univers importable la punition n’est jamais loin et s’abattra, implacable. 

Une plume plus mature

J’ai globalement beaucoup apprécié cette lecture, même si à quelques moments je me suis sentie un peu perdue dans l’intrigue, ne voyant pas très bien dans quelle direction l’autrice voulait nous emmener. Je suis toujours séduite par la plume de Chris Vuklisevic que je trouve plus mature et aboutie dans son roman suivant et que j’ai toujours plaisir à retrouver. 

Je vous dis à bientôt pour une nouvelle lecture et m’en retourne dans mon nid !

TheoMus(ique)

"Derniers jours d'un monde oublié"
Chris Vuklisevic
Gallimard

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