Après m’être lancée dans cette année 2024 avec une lecture positive et poétique, j’ai effectué un virage plutôt serré et ai décidé de poursuivre avec un récit beaucoup moins joyeux, avec La chambre des diablesses d’Isabelle Duquesnoy. J’ai quitté le Japon pour voyager dans le temps et l’espace, et plus particulièrement dans les bas-fonds de Paris sous le règne de Louis XIV. C’est là qu’éclata un scandale sans précédent qui fit trembler jusqu’à Versailles, celui de l’affaire des poisons.
Isabelle Duquesnoy nous entraîne au cœur de cette sinistre affaire au travers des souvenirs d’une protagoniste, la jeune Marie Marguerite Monvoisin, fille d’une des principales accusées : Catherine Deshayes, plus connue sous le nom de La Voisin. Nous la rencontrons alors que sa mère a été brûlée vive sur la place de grève et qu’elle-même croupit en prison. Dans l’espoir d’être épargnée, elle va envoyer des billets à Gabriel Nicolas de la Reynie, lieutenant général de police de Paris. Au travers de ses souvenirs, nous remontons aux racines d’une macabre histoire, à l’époque où sa mère n’était qu’une simple sage-femme qui se piquait d’astrologie.
Avant toute chose, un petit avertissement me semble de mise : je ne suis pas en mesure de porter un jugement sur la qualité historique du récit, et sa fidélité aux faits. Mon avis porte ici sur ses qualités en tant que roman.
Et quel roman !
Des poisons qui tiennent en haleine
Je m’intéresse depuis assez longtemps au règne de Louis XIV en général, mais surtout à l’affaire des poisons en particulier – si par hasard vous avez un livre, film ou podcast à me recommander sur le sujet, j’en serais ravie. J’étais donc plutôt enthousiaste à l’ouverture du livre, et je n’ai pas été déçue. Dès les premières pages, l’autrice nous emmène dans l’univers étroit, sombre et putride du cachot où Marie Marguerite est enfermée. C’est au travers de son regard et de ses souvenirs que nous allons découvrir l’ascension funeste de sa mère qui, pour satisfaire une clientèle toujours plus grande, va aller toujours plus loin dans le crime.
L’écriture très imagée de l’autrice nous plonge littéralement au cœur de l’étrange et inquiétant commerce de Catherine Monvoisin. Si, au début, il ne s’agit que de lire les lignes de la main ou la physionomie, voire de frotter les chemises des maris cruels sur une statue de Sainte Ursule, très vite cela ne suffit plus à la clientèle qui réclame des potions, des « poudres de successions » et des entretiens avec Lucifer en personne… Même si nous connaissons la fin de l’histoire, on ne peut s’empêcher de trembler en voyant Catherine aller toujours plus loin dans l’horreur.
Âme sensible s’abstenir
Au sujet du contenu du roman, je ne peux que le déconseiller aux âmes sensibles. De la composition peu ragoûtante de certaines mixtures à la manière expéditive dont des nones se débarrassaient de nouveau-nés non voulus, rien ne nous est épargné.
Mais au-delà de cette descente aux enfers, Isabelle Dusquenoy réussit le tour de force de proposer une réflexion sur la condition des femmes sous Louis XIV et le peu de liberté et de droits dont elles disposaient. L’autrice nous montre également que si les petites mains de ce sinistre commerce vont être châtiées, les riches commanditaires, en revanche, s’en tireront beaucoup mieux.
Pour conclure cet avis, je ne peux que vous recommander cet ouvrage si le sujet vous intéresse, car il permet de voir l’affaire des poisons sous un angle original, celui des bas-fonds de Paris, loin des ors de Versailles.
Sur ce, je m’en retourne dans mon nid et vous dis à bientôt pour une nouvelle lecture !
Miss Jack